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Mots, et maux, émotions
6 juin 2014

Solitude ordinaire

Pour Kaleidoplume et sa consigne 304 : Décrivez une journée ordinaire, mais qui se passe il y a plus de 30 ans. Vous ne disposez en ce temps-là d'aucun appareil "nouvelle technologie" : ni portable, ni ordi, tout juste un tel fix. Vous avez un transistor et un tourne-disques vinyl. Vous ecrivez/recevez des lettres. Racontes une journée oridnaire ...

 

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Solitude ordinaire

 

6 h le jour se lève a peine, blanchissant l’horizon. Comme toujours il te surprend debout dans ta cuisine, ton bol de café à la main. Tu n’as jamais sur t’asseoir pour le petit déjeuner, pas le temps entre le mari et les enfants, et tu as gardé cette manie malgré le veuvage et le départ de tes petits pour la grande ville.

C’est ta seule certitude : te raccrocher à tes habitudes pour ne pas perdre pied, pour ne pas penser à la solitude et surtout rester ancrée dans la réalité. La matinée passe comme toujours, la toilette rapide, la vaisselle en guettant le facteur derrière les rideaux, espérant une lettre qui ne vient pas souvent, le ménage, le repas, seule dans cette cuisine devenue trop grande.

C’est tout ton univers qui est devenu trop grand, pendant que ta vie, elle, rétrécissait. L’espace occupé jadis par les absents, tu le remplis à ta façon en marchant à pas menus, en faisant des gestes lents pour donner le temps à ta vieille horloge d’égrener ses heures comme tu égrènes ton chapelet à la messe.

L’après midi est long et vide comme souvent. Tu tricotes, un peu, pour d’hypothétiques petits enfants. Tu lis, très peu, tes pauvres yeux se fatiguent si vite et tes lunettes sont encore parties jouer a cache-cache. Tu jardines, beaucoup, enfin tu passes du temps dans ton jardin, à parler aux fleurs, à encourager les pommes de terre et les poireaux.

Le soir venu, tu allumes la radio plus pour avoir une présence que pour les émissions de variétés, quoique tu aimes écouter le jeune Michel Sardou. Tu dînes d’une soupe de la veille réchauffée, tu en as trop fait comme toujours. En repassant dans la salle à manger, tu regardes d’un œil noir le téléphone que ton fils a fait installer à son dernier passage. C’est pour toi un prétexte de plus pour venir moins souvent. Tu soupires, comme si un « coup de fil » comme ils disent, pouvait un jour remplacer une vraie visite. Des nouvelles à la va vite, d’une voix hachée par la distance ne se substitueront jamais à une présence, à des bras qui te serrent et te relâchent très vite, par pudeur, à des yeux qui te dévorent et en disent plus, beaucoup plus que les paroles banales.

Puis tu te couches, seule dans ton grand lit, pensant à la journée, à ces petits riens qui l’ont embellis, le chat de la voisine venu ronronner à tes pieds, les nouvelles roses, et surtout, penses tu dans un sourire, demain c’est dimanche et ils ont promis de venir.

 

 

                                                                                                                             6/06/14

 

 

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