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Mots, et maux, émotions
7 juillet 2007

Paroles plurielle n°50

La consigne :

Vous allez raconter une petite histoire, avec les petits bouts de phrase suivants qui se retrouveront dans l'ordre dans votre texte:

- Elle est debout (incipit)
- Que se passe-t-il?
- C'est un parti pris
- Des affreuses chaussettes de couleur verte
- Et ce jour-là, le soleil s'est levé comme d'habitude(dernière phrase)

_________________________________________________

Sur la falaise

Elle est debout, seule face à la mer, en haut de la falaise. Elle est debout, le regard rivé sur l’horizon, les yeux brûlant de larmes, noyés par le sel, le vent, la mer et les embruns. Elle ne vois plus, n’entends plus, embuée dans ses souvenirs, le cœur emplis de désespoir.

Elle est debout, immobile, statue de pierre dont la froideur envahie peu à peu son âme. Elle est debout, seule comme elle ne l’a jamais été, depuis ce matin ou le son du tocsin s’est élevé dans le village.

« Que se passe t’il ? » ces quelques mots résonnent encore dans sa tête, ces mots repris par tout les habitants se précipitant vers la place de l’église. Elle sent encore les regards qui lentement se sont tournés vers elle, ces regards emplis de tristesse et de compassion. Elle revoit le Maire s’approcher, les mains tendues, prêt à lui distiller des gestes de réconfort et des mots annonçant le malheur.

Elle a fuis, fuis ces mots, fuis la vérité trop douloureuse. Elle s’est enfuie en courant dans le vent et la tempête, courrant à en perdre haleine pour ne pas entendre ce cri déchirant d'angoisse qui montait dans sa gorge. Elle a couru pour ne plus les voir, ne plus les entendre, pour ne pas savoir, pour effacer l’horreur, pour retrouver son passé en fuyant cette vie qui s’annonçait sans avenir. Elle a couru jusqu'à lui, cet océan qui de tout temps a su effacer ses chagrins, lavés par les vagues salées déferlant sur les rochers, la laissant vierge de toute peine.

Et depuis elle est seule… Seule à attendre un signe, un semblant d’espoir.

Elle ferme les paupières, se réfugie à l’intérieur d’elle-même, au fin fond de sa mémoire et de ses souvenirs. Elle sent encore sur sa peau ses rudes mains d’homme qui savaient se faire douceur et tendresse pour la caresser. Elle se souvient de ses baisers, de sa bouche gourmande explorant son corps.

Ils se sont aimés hier. Etait ce seulement hier ? Ils ont fait l’amour comme chaque nuit, comme chaque fois, comme si c’était la dernière fois. Leurs corps se sont emmêlés, se sont découverts, ouverts l’un a l’autre dans le désir, le plaisir et l’amour.

Elle retiens un soupir, sentant a nouveau monter en elle cette déferlante qui les a emporté. Un tremblement agite ses lèvres quand elle croit reconnaître dans le vent sa voix d’homme si profonde, si grave, si tendre, cette voix qui la faisait frémir quand il lui disait des mots d’amour.

Elle ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Dans son esprit torturé de chagrin, les questions fusent : «  Pourquoi ? Pourquoi as-tu pris la mer alors que la tempête s’annonçait ? Pourquoi m’as-tu quitté… pourquoi ? ». Elle tends les bras vers l’océan, tends ses pensées vers lui et hurle soudainement : « Je ne pourrais jamais vivre sans toi ! ».

Elle tombe a genoux, guettant la réponse dans le vent qui souffle en rafale autour d’elle. Un murmure semble venir a elle « Mon amour… Jamais n’existe pas.. Deux êtres ne peuvent s’aimer toujours, c’est un parti pris, la vie continue, la terre tourne toujours autour du soleil, même sans moi… adieu mon amour. »

Elle se relève,  luttant contre elle-même, contre les larmes, contre la tempête qui soulève sa longue robe, dévoilant des affreuses chaussettes de couleur verte, ces chaussettes qu’elle portent tout les matins et dont il se moquait gentiment.

Elle est debout, seule… Elle est debout et dans l’air glacé de l’aube elle lance sa malédiction, crache sa douleur :

« Je te maudis Seigneur, je ne crois plus en Toi. On te dit Amour, tu n’es qu’égoïsme Je crache sur Toi et sur cette terre, sur cette vie. Jamais plus la chaleur ne reviendras, jamais plus le jour ne renaîtra… l’amour est mort et… »

Elle ne peut finir sa phrase, une rafale plus forte que les précédentes l’entoure, la happe et l’entraîne tourbillonante vers les flots déchaînés, vers la fin…

Sur la falaise, il n’y a plus personne. Seul le vent continue de hurler, comme un écho a cette malédiction. Peu à peu il s’apaise, le ciel vire au gris, au rouge, s’embrassant subitement. Et ce jour la, le soleil s’est levé comme d’habitude.

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Commentaires
C
J'ai retenu mon souffle pendant toute ma lecture!<br /> Je voyais la scène en même temps que je lisais. Je confirme ce que dit "Poème de vie", le vent est très bien utilisé ! Bravo !
B
La mienne plus gaie... la tienne plus triste ! et très bien narrée ! il est vrai que c'est malheureusement quelquefois le triste sort des femmes de marins et sans doute, toutes ont-elles toujours cette peur au ventre...<br /> Je viendrais bien boire une bolée de cidre avec vous mais...trop de distance à parcourir !!
M
Merci a vos tous pour vos commentaires qui me touchent :)<br /> <br /> Claire j'ai pensé aussi un moment a la guerre, et puis m'est venu la douleur que doivent ressentir ces femmes de marins, quand cet ocean qui est pour eux sources de vie, de travail deviens objet de mort.
O
Bravo pour l'intensité, le moment d'émotion partagée!
P
J'aime beaucoup la façon dont tu racontes l'histoire de cette femme en deuil et l'expression de sa douleur... et le vent est omniprésent, nous révélant la couleur de ses chaussettes sous sa robe et finalement l'emportant. Une histoire brève s'intensifiant jusqu'au drame.
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